C’est assez facile de faire rêver quand on parle de pêche à la mouche.
C’est plus difficile depuis quelques années parce que sans que vraiment je n’ai d’explications claires, la pêche à la mouche a changé.
Mais nous les « moucheurs » historiques nous ne sommes pas vraiment différents depuis le début, nous n’avons pas changé nous avons simplement vieilli !
Les rivières et les truites qui vivent dedans ont aussi bien vieilli !
Elles ne sont pas des êtres humains, mais une rivière est une femme et nous avons décidé que les truites étaient des femmes aussi. Une femme, des femmes qui vieillissent n’en restent pas moins séduisantes, attirantes et même quelquefois
envoûtantes !
Alors ce soir j’ai envie de vous raconter presque une histoire d’amour.
Une histoire qui commence en automne, au moment où les feuilles commencent à changer de couleurs. Au moment où les rivières sont les plus belles, où la chaleur de l’été s’adoucit et où, les jours qui raccourcissent, laissent plus d’espace à la nuit et aux
rêves.
Nous étions au milieu d’un paradis. Il avait plu à la fin du mois d’Août et les quatre rivières magiques de l’Aragon étaient à un bon niveau. Les pêcheurs chanceux qui avaient eu la bonne idée de réserver en cette période étaient tous dans une totale
euphorie. Mais en fait l’euphorie est un mot très faible pour décrire l’état dans lequel nous étions.
C’était autre chose. Un sentiment difficile à décrire, d’excitation, de fébrilité, et en même temps de jubilation totale liée au fait de pouvoir partager le plaisir et surtout de raconter le soir la journée aux autres pêcheurs.
Entre le début septembre et la fin du mois d’octobre, grâce à une météo (trop) clémente, nous avons pu profiter de chaque jour pour essayer de leurrer ces truites aragonaises.
Bien sûr nous avons eu la chance de pêcher dans des rivières quasiment seuls, et cette solitude n’a été qu’un des éléments du bonheur que nous avons connu.
Bien sûr nous avons pris des truites sauvages, nées dans la rivière, et qui malgré l’absence de pression de pêche, étaient d’une méfiance incroyable et qui plus est d’une sélectivité encore plus incroyable. Une truite sélective n’est pas une truite de pisciculture, c’est même plutôt le contraire, mais une truite sélective qui naturellement, génétiquement, ne va prendre que des microscopiques moucherons et qui va refuser même les plus belles imitations en nymphe ou en sèche, c’est
exactement ce qui nous plaisait !
Peut-être que nous aimons cette difficulté et que si nous avons connu le suprême bonheur de voir des gobages, de trouver la bonne mouche, et de prendre à la queue leu leu une douzaine de truites, en une heure, ce n’était pas tous les jours !
La leçon que nous avons reçue et retenue c’est que la nature reste la nature et qu’il est illusoire de croire que naturellement, toutes les truites de la rivière vont manger en même temps, et que par miracle toutes les truites de la rivière vont mesurer 50
centimètres !
Nous avons pris beaucoup de petites truites, un peu moins de truites de taille moyenne et quelques « belles » truites de plus de 40 cm.
Nous avons aussi pris du plaisir à découvrir les différentes robes de ces demoiselles.
Nous avons frémi d’extase devant le spectacle de l’automne et même si les eaux étaient très (trop) basses, nous avons pu malgré tout déguster cette fin de saison !
Je reste persuadé que l'art de la pêche à la mouche ne mérite jamais mieux son nom qu'en fin de saison. Car il s'agit vraiment d'un sport et d'un art de vivre et c'est en dehors de la frénésie du printemps ou de l'ouverture que l'on peut vraiment jouir de ces moments !
Le Haut Aragon est un vrai et authentique paradis de nature sauvage. Il serait trop long d'expliquer pourquoi le peuple aragonais a déserté cette région d'Espagne, mais toujours est il qu'il est merveilleux de pouvoir pêcher quasiment seul dans des rivières qui ne sont pas au bout du monde.
Cette histoire est aussi l'histoire de mes amis qui sont venus me rendre visite et qui ont pu eux aussi profiter de cette belle région.
Et je veux absolument vous raconter le dernier coup du soir de la saison, avec mon ami Pierrot, sur le bas du coto de Olivan en amont du pont de las Pilas. Il pleuvait enfin et au milieu des gouttes de pluie quelques petites truites venaient prendre en surface des moucherons si minuscules qu'il paraissait impossible que les truites puissent les voir sans microscope.
Puis la pluie cessa et nous vîmes éclore des mouches un peu plus grosses des éphémères de couleur olive et les gobages redoublèrent. Hélas trois fois hélas ce n'étaient pas gagné pour autant et il nous fallut presque une demi heure de recherches et de tests pour comprendre que ces truites ne prenaient pas les olives ou les nymphes d'olives mais bien des nymphes de chironomes, juste sous la surface!
Alors, nous réussîmes à piquer quelques poissons pas des monstres, pas des truites trophées, non juste des truites « normales » sauvages méfiantes et craintives ! Et le soir trempés mais heureux nous étions encore sur les nuages et dans les nuages.
Merci à tous ceux qui ont partagé ma vie pendant ces semaines, je ne peux pas tous vous nommer
car,…...j’ai peur d’en oublier !
A l’an que ven ! Gilbert