Aujourd'hui j'ai envie de vous faire partager quelques réflexions sur le comportement
des truites et essayer de me lancer sur une piste sinueuse et étrange de la recherche
de la mouche exacte. Ces quelques lignes sont en fait le ressenti que j'ai eu hier après
avoir (re)lu le merveilleux livre de Pierre Miramont « L'Ephémère et la Truite ». Je
résume rapidement. Pierre Miramont
est un vieux monsieur, pêcheur à la mouche
depuis sa plus tendre enfance, qui a connu les rivières de son Sud Ouest natal à une
époque aujourd'hui révolue. Mais c'est un vrai bonheur de voir que ce vieux monsieur
(j'en suis un aussi, un peu moins quand même!) n'a pas perdu la foi, ni l'énergie mentale
propre aux honnêtes hommes du XVII ème siécle. Il avoue avoir arrêté de pêcher
pour ne plus fréquenter des pêcheurs (branquignols) qui pêchent à la mouche sans
savoir ce qu'est un éphémère, et qui vont à la pêche pour prendre du poisson! Je cite
une de ses phrases parues dans un interview récent:
"La pêche somme toute, c'est le plaisir du pêcheur, le poisson n'est là que pour le lui
procurer. Partant de là, ça dépend de la mentalité de celui qui tient la canne... On peut aller
au bord de l'eau pour prendre du poisson; il vaut mieux à ce moment là aller chez le
poissonnier car c'est beaucoup plus sur et beaucoup moins cher ! On peut aller au bord de
l'eau pour trouver le calme, les rêves et tout ça et là je dis bravo. Comme le corps humain
est majoritairement composé d'eau, on n'est pas étranger à ce domaine...si c'est pour ce
plaisir et bien tant mieux !"
Il faut pouvoir accepter tout ce qui est différent et qui ne nous convient pas, pour
pouvoir vivre en société! Surtout dans le monde de la pêche! On ira tous au Paradis,
alors pourquoi se prendre la tête?
Alors voilà ce que nous dit ce bon Pierre : « Les
truites sentent dans l'eau le parfum des éphémères et des trichoptères au moment
des éclosions. »
Il semble évident que tout être vivant émet des odeurs sous formes
de molécules odoriférantes. Et que probablement les poissons en général et les
truites en particulier sont sensibles à certaines odeurs, plus qu'à d'autres. Et
personnellement, je suis persuadé que certains de ces stimuli font partie d'un
ensemble qui déclenche la chasse aux aliments. Donc cherchons dans la littérature
scientifique sérieuse ce que nous savons sur l'odorat des truites ?
Non seulement les poissons en général et la truite en particulier ont le sens de
l'odorat, mais aussi surprenant que cela paraisse, leurs capacités olfactives sont
même excellentes !
Ce sens est très développé et serait supérieur au chien, ( le saumon ou la truite de
mer sent sa rivière à des centaines de km).
Elle sent par 2 paires de narines situées sur son museau, elle détecte toutes les
substances dissoutes dans l'eau à des concentrations très faibles. Elle sent les
larves, car celles-ci relâchent des odeurs, elle sent le ver de terre ou la teigne qui
roule au fond. Avant de prendre votre mouche ou votre leurre, elle va le sentir et de
nombreux refus seraient dus à une odeur anormale qui s'en dégage ( tabac, sueur,
crème solaire, anti-moustiques, solvant,colles....)
Des essais faits sur des truites en bassin d'eau courante, montrent qu'elles
prennent un comportement de recherche de nourriture quand on introduit dans
l'eau à faible concentration des acides aminés, ces mêmes acides sont présents sur
la peau des asticots, des teignes, vers et se dissolvent dès qu'ils sont dans l'eau. .
Ces produits et autres « parfums » sont utilisés dans les pâtes à truites.
Les truites sont, comme nous, capables de détecter les molécules odorantes qui,
solubles, circulent en milieu aquatique, cela grâce à des neurones sensoriels
olfactifs nichés (toujours comme chez nous) dans une muqueuse se situant au fond
de leurs narines. Concrètement, les messages nerveux naissant au niveau de cet
épithélium olfactif transitent via un nerf jusqu’à une région spécialisée, à l’avant du
cerveau : le bulbe olfactif. La différence importante c'est que ce système olfactif ne
sert unique qu'à l'olfaction et pas du tout à la respiration.
Ce système olfactif leur permet de détecter des concentrations odoriférantes très
faibles, quasiment homéopathiques : de l’ordre de 10microg(-5) à 10microg(-10)
mole par litre, selon les espèces. Et ce, sur de longues distances. Ainsi les requins
peuvent-ils sentir l’odeur du sang à plusieurs centaines de mètres.
Mais, outre des sources de nourriture, l’odorat des poissons leur sert aussi à
détecter des signaux sociaux, comme la « substance d’alarme », une molécule
émise par la peau de certains poissons lorsqu’ils sont blessés et qui leur permet de
signaler un danger.
Bon j'arrête de vous assommer avec des expériences diverses et variées.
J'ai quand même cherché un peu pour avoir confirmation de l'émission de molécules
odorantes par les insectes aquatiques que nous cherchons à imiter.
Il est absolument certain que dans le cas de la transformation nymphe sub imago et ponte
des œufs, ces cycles biologiques s'accompagnent de perte de substances qui ont une
signature odorante phéromones ou autres. Donc sans être trop prétentieux il est assez
facile de dire que la truite se nourrit et se met en chasse quand en complément du signal
visuel et ou vibratoire, elle perçoit un signal olfactif positif qui la pousse à gober ou à
chasser des nymphes,ou des vairons.
Là où Pierre Miramont est génial,(ou délirant) c'est qu'il pense qu'il n'est pas nécessaire
de tremper sa mouche dans une huile miracle mais simplement de reproduire le signal
visuel associé dans la nature au signal stimulus olfactif.
Et il rajoute une minuscule plume rouge ou un enroulement jaune pour obtenir ce
résultat !!!
Soyons réalistes et objectifs. Les truites sont des animaux sauvages dont le seul but
programmé génétiquement est de se nourrir, de se reproduire, et d'éviter les prédateurs.
Dans une rivière «banale» naturelle et sauvage, peu fréquentée, que voyons nous? Un
comportement normal de truites: elles se nourrissent de ce qui passe devant elles et je
suis persuadé que quand elles sont en activité alimentaire, fixées sur un type de proie,
elles ne passent pas leur temps à étudier combien de cerques ont les éphémères qu'elles
gobent! Comme je le disais je crois beaucoup à la conjonction des stimuli déclenchant
l'activité alimentaire.
Donc faut il parfumer nos mouches ? Pourquoi pas ? Mais avant de parfumer nos
mouches il vaudrait mieux ne pas les saisir avec des doigts parfumés à la nicotine ou à la
lotion anti moustiques ! Je ne vous cache pas que après avoir essayé les mouches
fluorescentes, j'ai essayé les mouches parfumées. Mon frère avait même réussi à faire
des mouches effervescentes ! Et il essayait aussi d'imiter l’œil en turban des éphémères....
Les résultats n'ont hélàs pas été à la hauteur de nos espérances ,,,,